Evaluation pédagogique
Présentation :
Apprendre, c'est oser commencer, se risquer, se remettre en cause. C'est oser échouer ou admettre l'hypothèse d'échouer. Le statut de l'erreur a évolué. Bien analysée par l'enseignant, bien comprise par l'élève, cette erreur peut et doit être formatrice. Mais l'image de l'erreur culpabilisante reste encore bien présente. Voilà un écueil à surmonter.
L'erreur est généralement considérée de façon négative en pédagogie. Souvent assimilée à une "faute", cette dernière doit nécessairement être sanctionnée pour disparaître. En outre, le caractère relatif de l'erreur est souvent effacé par le caractère absolu du jugement qui l'accompagne.
« Les erreurs ne sont pas toujours des erreurs » dit Kévin. « Il y a plusieurs réponses partielles possibles » dit Philippine. « Les erreurs sont intéressantes car elles nous apprennent comment on réfléchit » dit Morgane. Ainsi, réfléchir sur l'erreur va nous aider à nous faire avancer dans nos difficultés, dit Marine.
Apprendre c'est une action qui se produit par l'enseignant que par l'élève simultanément : l'élève face à de nouvelles connaissances et compétences, l'enseignant face à ses pratiques pédagogiques … Voilà d'où je suis partie dans ma pratique pédagogique. Ayant une base scientifique et intellectuelle croyant suffisantes pour une expérience d'enseignement. C'est avec le cycle 1 du primaire : en effet : Sciences de la vie et de la terre pour les EB1 et EB2, enseignement du français pour les EB2 et EB3. N'ayant jamais vu un manuel scolaire depuis mon enfance, je me suis lancée dans l'aventure. A peine commencé, les questions pratiques ont commencé aussi : d'où je dois commencer ? Comment je dois leur parler ? Quelle progression choisir ? À quoi je dois aboutir ? Maintes questions sont passées et m'ont poussée à me lancer. Par tâtonnements, des partages d'expériences avec les enseignantes à l'école, par lecture et relecture des manuels et leurs guides le premier trimestre est terminé.
Soudain, « il faut nous donner les questions d'évaluation ». Quelle évaluation ? « Pour moi, l'évaluation est tombée du ciel » je n'ai pas su comment est arrivée ? Comment est survenue ? Evaluer quoi et comment ? Evaluer qui ? Je me suis rendue compte que je suis en train de m'évaluer moi-même, mes pratiques … Comment préparer les évaluations ? Avec qui ? Est ce que je dois la noter ou non ? Si oui comment procéder ?
Les élèves ont fait l'évaluation. Je suis confrontée à la correction. Quelles sont les étapes suivantes ? Comment corriger ? Est ce que je dois tout corriger moi-même ? Est ce que je dois tout écrire avec le rouge ou autre? En effet, j'ai tout corrigé, j'ai tout écrit moi-même sur les compositions. Je me suis aperçue que les copies se sont coloriées avec le rouge. Plein de rouge. La correction est faite sur le mot directement, on ne peut plus voir qu'est ce que l'enfant a écrit… ou des mots qui sont barrés complètements parce qu'ils sont totalement « faux » : (ser / sœur).
Ensuite, un nouveau mois commence. La progression doit continuer. Comment faire ? Corriger avec les élèves ? Remédier donc repartir des requis et non-requis des élèves pour poursuivre ou tourner complètement la page comme si rien n'était… et l'analyse ?
J'ai distribué les copies en disant : « vous n'avez pas bien étudié ! Je ne suis pas satisfaite de vos résultats » considérant toujours que l'erreur veut dire « absence d'étude » ou « absence du travail et l'effort personnel »… que l'erreur est une faute, dont l'élève est responsable et qu'il faut tout faire pour la sanctionner. Je ne savais pas que j'étais dans le modèle pédagogique transmissif.
Avec le cours, mon regard sur l'erreur est totalement changé. Célestin Freinet, en 1956, sur la question du savoir et de l'expérience, a adopté le tâtonnement expérimental : il affirmait : « C'est en parlant qu' « un enfant » apprend à parler ; c'est en dessinant qu'il apprend à dessiner ». Il met donc en évidence la pratique des essais et des erreurs, et parle d'« obstacles qui feront barrage ». Il donne une grande importance à l'erreur qui n'est qu' « indicateur de processus". Ici, je rejoins Jean-Pierre ASTOLFI qui a parlé longuement de l'erreur comme obstacle. L'erreur est positivée. L'erreur devient le "témoin des processus intellectuels en cours » comme le signal de ce à quoi s'affronte la pensée de l'élève aux prises avec la résolution d'un problème. L'erreur devient alors créatrice au lieu d'être destructrice. Elle n'est qu'une difficulté pour s'approprier le contenu. Etant enseignante, je suis appelée à la traiter en coopérant avec l'enfant.
« L'évaluation doit conduire à un dialogue avec les élèves, portant sur l'explicitation des procédures qu'ils ont mises en œuvre, afin qu'ils prennent conscience de leurs acquis mais aussi de leurs difficultés. »
En effet, c'est ce que j'ai établit cette année. Certainement, je me suis appuyée sur le cours et sur les lectures. Par exemple, dans les dictées, je leur demande maintenant qu'ils relisent leurs écrits. Ensuite, je leur demande qu'ils corrigent avec une autre couleur. Puis qu'ils se posent la question : pourquoi je l'ai écrit ainsi ? À quoi j'ai pensé ?
Une fois, c'était une petite évaluation sur la conjugaison de quelques verbes irréguliers au présent de l'indicatif et de l'impératif. Spécialement les verbes suivants : aller, faire, dire, écrire, lire, venir. Juste après le travail, je leur ai demandé de relire leur travail. Puis de venir me montrer individuellement chacun son travail. Quatre élèves de douze ont écrit pour le verbe « aller » au présent de l'impératif : « vas ». J'ai posé la question à une fille : pourquoi tu as écrit avec « s » ? Elle m'a répondu spontanément : « parce que vous nous avez dit que nous les retirons les mêmes du présent de l'indicatif.
Comme le verbe dire : Je dis, tu dis, il/elle, on dit, nous disons, vous dites, ils/elles disent. Dis, disons, dites. Or le verbe « aller » remarque un changement : « tu vas » au présent de l'indicatif – or « va » au présent de l'impératif.
A ce moment, j'ai compris que l'erreur provient sur le plan didactique (axe maître-savoir) ou épistémologique (pôle du savoir).
Je ne savais pas qu'« un moment essentiel de l'évaluation consiste en l'analyse des réponses et des erreurs » :
L'erreur trouve un nouveau statut : elle est une aide pour l'élève qui, au travers de l'explicitation de ses choix mesure la pertinence de la procédure qu'il a mise en jeu et une aide pour l'enseignant qui, ainsi, peut comprendre le fonctionnement mental de l'élève. Il existe une logique cachée de l'erreur, révélatrice des procédures, des représentations, des modes de raisonnement des élèves. L'explicitation des erreurs, en présence d'un enseignant, conduit les élèves à les reconsidérer, comme l'indiquent ces réflexions, récoltées à la fin de la séance collective.
De là, j'ai trouvé que l'erreur peut être liée au contenu : si le savoir en question est difficile, complexe… Elle peut être aussi liée à l'apprenant : elle est due à une surcharge cognitif, ou à l'opération intellectuelle, ou à la méthode du travail voire à un mauvais décodage. L'erreur peut aussi être liée à l'enseignant : question de planification, d'adaptation, les attentes mutuelles et souvent à la rédaction des consignes comme ça était toujours mon cas : j'ai trouvé dans la dernière évaluation récente, que j'ai formulé des consignes qui n'étaient pas de leur niveau cognitif. Trois quart de la classe EB1 et trois quart de la classe EB2 ont eu une note sous la moyenne. Ce qui n'est pas normale. Puisque les élèves, à une autre évaluation orale, ils ont bien acquis les objectifs, ils ont bien fait. Donc il s'agit d'un problème de l'écrit. Avec l'analyse des erreurs des élèves, je peux conclure que l'erreur provient de plusieurs origines qu'il est toujours difficile de les déterminer car celle-ci doivent être resituée à la fois par rapport : à la spécificité des domaines de connaissances; aux situations didactiques de transmission de ces savoirs ; aux connaissances dont dispose déjà l'élève. Je signale spécialement : que la progression n'était pas claire. Les objectifs de savoir, de savoir-faire n'étaient pas bien repérés et les évaluations n'étaient pas préparées après chaque objectif ce que j'ai appris tout dernièrement dans les cours des didactiques des sciences de la vie et de la terre.
Pistes possibles : Puisque le problème se situe dans la situation toute entière ou presque, je me conseille de :
- Planifier en premier lieu, la progression de tout le programme scolaire pendant l'année suivant le rythme des élèves et leurs niveaux.
- Vérifier qu'au début de chaque séance, si les objectifs à atteindre pour l'ensemble du groupe d'élèves sont bien repérés et indiqués puisque souvent ce n'était pas le cas.
- D'élaborer une petite évaluation convenable après chaque objectif qui fait écho à l'objectif et qui répond au niveau cognitif des élèves.
- De choisir une grille d'analyse des difficultés des élèves.
- D'élaborer des stratégies pédagogiques en fonction de ces difficultés.
- D'organiser sur une classe les activités en regroupant les élèves par type de stratégies :
- « Auditifs/visuels pour Antoine de La GARANDERIE,
- Inductif/déductif,
- Besoin de guidage ou d'indépendance,
- Réflexif/impulsif,
- Impliqué/détaché, etc. »
- Elaborer une fiche de variétés de questions illustrées par des dessins qui les expliquent, spécialement pour ceux qui ont problème de mal compréhension des consignes.
- Aider, c'est ignorer certaines erreurs, c'est prévenir certaines erreurs, aider, c'est intervenir sur certaines erreurs, c'est mettre l'apprenant en position d'auto - correction de certaines erreurs.
Ainsi pour aider les élèves à se projeter dans la situation, se constituer une image mentale de la connaissance à acquérir, multiplier les activités de tri, de classement, de comparaison, de rangement, inciter l'élève au transfert des acquis grâce à un travail plus transversal, interdisciplinaire, freiner l'impulsivité en exigeant de la réflexion, de la concentration, consolider les connaissances de base grâce à des exercices d'entraînement, inviter les élèves à rendre explicites, par le moyen de codes différents, leur démarche et leur lecture du réel. La mise en œuvre d'une réelle transversalité évite le cloisonnement rigide des connaissances et aide à opérer des transferts.
L'éducation est un art. Pour y répondre, faut-il créer, imaginer, inventer de nouvelles stratégies qui répondent toujours au niveau cognitif des élèves sur tous les plans : intellectuel, moral, physique et spirituel. S'auto-évaluer et s'auto-corriger sont indispensables et pour l'enseignant et pour l'enfant dans leur développement. Ainsi l'erreur ne sera plus une « faute » mais une chance et une occasion de modifier, de changer et de créer.
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